Réserves naturelles pour la protection des pandas sauvages > Réserve naturelle de Laohegou

 

Monts Minshan (岷山)

Province du Sichuan (四川) > Comté de Pingwu (平武)

 

Réserve naturelle de Laohegou
老河沟自然保护区

   

 


Je me suis rendu dans cette réserve le 27 octobre 2025 : cliquez-ici pour accéder directement à mon compte-rendu en seconde partie de cette page


La réserve naturelle de Laohegou (老河沟自然保护区) - en anglais « Old creek nature reserve » pour « réserve de l'ancienne rivière » - est une réserve naturelle au statut particulier, un statut quasi privé, qui se situe dans le comté de Pingwu (province du Sichuan) dans les monts Minshan.

Par une loi du 8 juin 2008, la Chine a réformé son système de propriété forestière collective. Les forêts, propriétés du Gouvernement, d'agences gouvernementales ou de collectivités, étaient concédées aux foyers agricoles pour leurs activités.

Cette réforme de la forêt collective chinoise permet dorénavant à des entreprises ou des groupes privés de louer ou contractualiser ces forêts.

L'été 2015, des scientifiques de l'université chinoise « Beijing Normal University » et de l'association « Conservation International » s'étaient d'ailleurs inquiétés de cette réforme et ses conséquences pour l'habitat du panda. Dans une étude publiée dans la revue « Conservation Letters », une équipe sous la direction de Biao Yang indiquait que cette réforme allait permettre l’exploitation forestière commerciale, augmentant ainsi la collecte de bois de chauffage et de produits forestiers autres que le bois par des entreprises extérieures, mais aussi aurait pour conséquence le tourisme mal géré, et certains types de développement industriel dans des forêts collectives où ces activités étaient précédemment restreintes.

Cependant, et c'est le seul point positif que voyaient ces auteurs, la réforme permet aussi à la société civile, des agences publiques ou privées, de racheter certains droits de développement des communautés à des fins de conservation. Jusqu'alors, il n'était pas possible pour des ONG de faire l'acquisition de terres en Chine en vue de sanctuariser des espaces naturels.

La situation a ainsi commencé à changer, depuis la réforme de 2008, et en l'espace de quatre ans, la première aire protégée privée a vu le jour en Chine, à Laohegou, littéralement la vallée de Laohe.

Laohegou était auparavant une ancienne forêt d'Etat qui a été exploitée de 1972 à 1998 (date du moratoire sur l'exploitation forestière en Chine). 30 à 40% de la forêt avaient été exploités. Elle se situe dans le comté de Pingwu, dans la province du Sichuan. En 2012, le comté de Pingwu loue gracieusement 99 km², dont 72 km² constituant l'ancienne ferme forestière de Laohegou, pour une durée de 50 ans à la « Sichuan Nature Conservation Foundation », le partenaire chinois de l'ONG américaine « The Nature Conservancy » qui a souhaité développer sur ce territoire un modèle de conservation connu sous le nom de « Land Trust Reserve » (réserve de terres fiduciaire). La même année, la commune de Gaocunxiang loue pour une durée de 46 ans 11 km² complémentaires en contrepartie d'une redevance de 525 RMB par hectare. Ainsi, en 2012, ce sont au total 110 km² qui sont confiés à la fondation.

En 2013, le gouvernement du comté de Pingwu approuve le statut de réserve naturelle de niveau comté pour Laohegou. Cette réserve protège un mixte d'anciennes forêts exploitées, de terres collectives gérées par les communautés locales et de forêts originelles. En 2014, la « Sichuan Nature Conservation Foundation » établit le Centre de conservation de la nature de Laohegou (Laohegou nature conservation center).

L'ONG « The Nature Conservancy » a pu accompagner le développement des communautés locales dans un esprit de développement durable en promouvant des modes de développement alternatifs, la mobilisation de micro-crédits et l'ouverture à l'éco-tourisme. Un fonds de 16 000 dollars a été débloqué par l'ONG. Parmi les projets de développement durable, l'ONG a accompagné les communautés à développer l'apiculture et autres modes d'agriculture peu impactants sur l'environnement naturel, mais aussi à écouler leur production via des filières responsables. Le plus proche village hors de la réserve est celui de Minzhu (民主村) qui comptait alors 280 foyers et l'ONG a également accompagné les villageois qui souhaitaient développer une activité de maison d'hôte.

En 2015, la « Sichuan Nature Conservation Foundation » est renommée « Sichuan Paradise Foundation » et s'intitule dorénavant « Taohuayuan Ecological Protection Foundation » (桃花源生态保护基金会). A ce jour, la fondation gère la réserve naturelle de manière indépendante, sans intervention d'ONG, mais sous la supervision du département des forêts de la province du Sichuan et du bureau des forêts du comté de Pingwu.

En 2020, avec le projet pilote de parc national, 43 km² supplémentaires, correspondant au village de Minzhu, sont affectés à la réserve de Laohegou qui en gère dorénavant 153 km². D'ailleurs la réserve de Laohegou a été entièrement intégrée au parc national pour le panda géant officiellement approuvé en octobre 2021 par le président chinois Xi Jinping.

 


Le comté de Pingwu et ses réserves naturelles : Xuebaoding, Wanglang, Xiaohegou et Laohegou (cette dernière est détourée de vert, et son extension de 2020 détourée de jaune) et quelques autres réserves naturelles importantes dans les comtés voisins (la réserve naturelle de Tangjiahe dans le comté de Qingchuan dans la province du Sichuan, la réserve naturelle de Baishuijiang dans les comtés de Wenxian et Wudu dans la province du Gansu, et la réserve naturelle de Jiuzhaigou dans le comté du même nom dans la province du Sichuan).

 

Le village de Minzhu est le plus proche de la réserve. Le statut de réserve a modifié les droits des villageois
qui ne peuvent plus aller ramasser des herbes médicinales ou couper les forêts pour se chauffer ou cuisiner.
L'association qui a acquis la réserve apporte son soutien financier et technique aux habitants pour qu'ils
se tournent vers des modes de vie alternatifs et qu'ils tirent des revenus de leurs nouvelles activités.
Sur la seconde photo, des villageois trient des noix, qui seront vendues via une filière responsable.
© Laohegou Nature Reserve

 

D'après les premières études terrain et le recensement le plus récent, la réserve de Laohegou abriterait 13 pandas géants. Lors d'une visite de la réserve en 2011, Charles Bedford et 24 de ses collègues de l'association « The Nature Conservancy » ont même eu l'opportunité d'apercevoir brièvement deux pandas courir.

 

Un panda sauvage photographié par un appareil à déclenchement infrarouge dans la réserve
naturelle de Laohegou le 5 février 2016 - 
© Laohegou Nature Reserve

 

Un panda sauvage photographié par un appareil à déclenchement infrarouge dans la réserve
naturelle de Laohegou le 24 novembre 2015 - © Laohegou Nature Reserve

 

Les efforts de l'organisation « The Nature Conservancy » à Laohegou ont été une porte d'entrée en Chine pour l'association qui compte bien démontrer l'efficacité de son action dans la gestion écologique de cet espace et qui espère dupliquer son modèle dans d'autres territoires chinois. D'ailleurs, l'organisation a déjà initié un second projet dans la réserve de Bayuelin (comté de Jinkouhe).

La réserve naturelle de Laohegou, d'une superficie de 15 300 hectares, abrite, outre le panda géant, notamment le rhinopithèque de Roxellane (Rhinopithecus roxellanae), le takin (Budorcas taxicolor), le cerf porte-musc des forêts (Moschus berezovskii), l'ours noir d'Asie (Ursus thibetanus), le faisan doré (Chrysolophus pictus) et le chat de Temminck ou chat doré d'Asie (Pardofelis temminckii).

Elle est frontalière au nord avec la réserve naturelle nationale de Tangjiahe et ne se situe qu'à une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau de celle de Baishuijiang, qui sont toutes deux le refuge de nombreux pandas sauvages. La réserve de Laohegou, même si elle a un statut particulier, met sous protection un territoire qui remplit le rôle de corridor entre différents habitats du panda. A l'ouest, elle est frontalière avec la réserve de Guanbagou, également de statut semi-privé, gérée par l'ONG chinoise « Shanshui conservation center » ; et au sud-est avec la réserve communautaire du village de Fushoucun.

 

Vues de la réserve : un chemin bordé de sous-bois de bambous et une rivière
© Laohegou Nature Reserve

 

Un groupe de takins photographié le 5 mai 2015 dans la réserve de Laohegou
© Laohegou Nature Reserve

 

Le comté de Pingwu, dans la province du Sichuan, est celui qui abrite le plus grand nombre de panda sauvages. D'après les données du quatrième recensement national des pandas géants et de leur habitat, mené de 2011 à 2014 et dont les premiers résultats ont été publiés en 2015, le comté de Pingwu abrite 335 pandas qui se partagent un habitat de 288 322 hectares. Ce sont ainsi 105 pandas de plus qui ont été dénombrés dans le comté de Pingwu par rapport au 3ème recensement mené de 1999 à 2003.

 

Un panda sauvage photographié par un appareil à déclenchement infrarouge dans
la réserve naturelle de Laohegou le 9 juin 2016 - 
© Sichuan Paradise Foundation

 

Un panda sauvage photographié par un appareil à déclenchement infrarouge dans
la réserve naturelle de Laohegou le 6 mars 2017 - 
© Sichuan Paradise Foundation

 

Un panda sauvage photographié par un appareil à déclenchement infrarouge dans
la réserve naturelle de Laohegou le 22 mars 2017 - 
© Sichuan Paradise Foundation

 

Vue sur la réserve naturelle de Laohegou

 

Visite du lundi 27 octobre 2025 :

J’ai eu l’opportunité de découvrir la réserve naturelle de Laohegou accompagné des deux guides Mme Che Yan (车燕) et M. Fan Guiguo (范贵国) le lundi 27 octobre 2025. Il n'est d'ailleurs pas possible pour les visiteurs de randonner dans cette réserve sans être accompagnés d'un guide certifié. En outre, le nombre de visiteurs quotidiens est limité et des navettes électriques conduisent les visiteurs depuis l'entrée située à Shuangshitou. La quasi-totalité de la réserve constitue un habitat du panda géant d'après le plus récent recensement (le quatrième mené de 2011 à 2014).

 


L'entrée de la réserve naturelle de Laohegou à Shuangshitou (双石头), dont le nom signifie « double rochers » en référence aux deux énormes blocs rocheux placés de part et d'autre du portail d'accès, à une altitude de 1 210 mètres - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


Avec les deux guides habilités de la réserve de Laohegou qui m'ont accompagné ce 27 octobre 2025, Mme Che Yan (车燕) et M. Fan Guiguo (范贵国) - © Jérôme POUILLE

 

Le matin nous avons pu parcourir la totalité de la route depuis l'entrée, une partie avec le véhicule électrique et une partie à pied. Cette route serpente le long de la principale rivière du site, qui porte le même nom que la réserve. Nous avons pu observer plusieurs animaux qui peuplent la réserve, notamment plusieurs takins du Sichuan (Budorcas taxicolor tibetana), un élaphode (un cervidé) (Elaphodus cephalophus), deux sangliers (Sus scrofa ssp.), deux muntjacs de Reeve (Muntiacus reevesi), une femelle faisan doré (Chrysolophus pictus), plusieurs jeunes tragopans de Temminck (Tragopan temminckii).

 


Deux takins différents - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


L'élaphode (Elaphodus cephalophus) - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 

L'environnement écologique de Laohegou apparaît d'emblée comme très riche, et surtout préservé. Une seule voie serpente dans la réserve le long de la rivière et comme l'entrée est strictement contrôlée il est évident que la nature ici a retrouvé ses droits. En témoignent d'ailleurs les nombreuses observations, et encore davantage les crottes, empreintes, et végétaux mangés.

A Laohegou, les pandas géants vivent au-dessus de 2 000 m d'altitude. D'après mes guides, il y en aurait aujourd'hui 14 mais des échanges existent avec les réserves voisines. Les deux espèces de bambous que l'on trouve à Laohegou et qui sont mangées par le panda sont Fargesia rufa et Fargesia denudate.

 


Carte de la réserve naturelle de Laohegou, les chiffres en rouge correspondent aux itinéraires parcourus à pied et présentés ci-après - © Laohegou NR modifié par Jérôme POUILLE

 

Le matin nous avons effectué une première randonnée qui correspond à la dernière section du chemin où peut circuler le petit véhicule électrique | SECTION 1 SUR LA CARTE | et à un chemin d'accès des patrouilleurs jusqu'à atteindre l'un des pièges photographiques installés dans la vallée de Guaigou (拐沟) | POINT 2 SUR LA CARTE |. Nous sommes partis de 1 764 mètres d'altitude jusqu'au point terminal de la route à une altitude de 1 925 mètres puis jusqu'au piège photographique à 2 010 mètres environ.

 


Paysages de la réserve naturelle de Laohegou, le long de la petite route et de la rivière Laohegou - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


La vallée de Guaigou et le piège photographique que nous avons atteint - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


Petit focus sur ce jeune takin, âgé de 17 mois, et qui a été abandonné bébé par sa mère. Il a été secouru par le personnel de la réserve qui l'a élevé avant de le lâcher. Il reste encore très attiré par l'homme et rend visite aux promeneurs de passage vers là où il vit. Le personnel l'a nommé Wonderful - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 

L'après-midi nous avons randonné juste au nord de la station de Shabazi (沙坝子), dans la vallée de Dicaogou (地槽沟) | POINT 3 SUR LA CARTE |, où nous avons atteint deux pièges photographiques en environ 150 mètres de dénivelé (de 1 400 mètres à 1 550 mètres environ).

 


La vallée de Dicaogou et un piège photographique installé dans cette vallée - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 

Le soir enfin j'ai eu l'opportunité de participer à une observation nocturne d'un peu plus de deux heures à partir de 19 heures, nous avons pour cela sillonné une partie de la route en véhicule électrique et l'un des guides était équipé d'une caméra thermique pour déceler les animaux. Les observations ont été nombreuses : plusieurs porcs-épics (Hystrix brachyura), un blaireau-furet de Chine (Melogale moschata), un « chat-civette » (probablement Viverricula indica), une civette palmiste à masque (Paguma larvata), un élaphode (Elaphodus cephalophus), des sangliers (Sus scrofa ssp.) et plusieurs rongeurs.

 


Quelques-unes des observations nocturnes, dans l'ordre : un porc-épic, un rongeur et une civette palmiste à masque - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


L'apiculture est un mode d'agriculture plus durable moins consommateur de terres et qui impose une bonne qualité environnementale pour avoir des abeilles ; ici quelques kilomètres au sud de l'entrée de la réserve de Laohegou, dans le village de Gaocun - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


Le logo affiché largement dans et autour de la réserve naturelle de Laohegou ; qui diffère de celui plus officiel - 27 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 


Après le péage d'autoroute, le parc national du panda géant souhaite la bienvenue sur la route qui conduit à Laohegou - 28 octobre 2025 - © Jérôme POUILLE

 

A lire :

        > Plusieurs pandas sauvages marquent le même arbre depuis le début de l'année dans la réserve naturelle de Laohegou (9 avril 2022)

        > Deux pandas sauvages filmés ensemble en périphérie de la réserve naturelle de Laohegou (7 octobre 2021)

        > Un panda sauvage photographié en train de se nourrir d'une carcasse de takin dans la réserve naturelle de Laohegou (4 juin 2021)

        > Deux pandas filmés en plein combat en bordure de la réserve naturelle de Laohegou (15 avril 2021)

        > Plusieurs pandas sauvages photographiés dans le comté de Pingwu (17 novembre 2020)

        > Un panda sauvage aperçu par des rangers dans la réserve naturelle de Laohegou (9 juillet 2020)

        > Une mère panda et son jeune filmés de nuit dans la réserve naturelle de Laohegou (monts Minshan) (28 avril 2019)

        > Un panda photographié à Laohegou, une réserve naturelle au statut particulier (monts Minshan) (16 juin 2016)

        > 13 février 2013 : La réforme de la forêt collective en Chine serait dommageable pour l'habitat du panda

        > 3 janvier 2012 : Observation rare d'un panda sauvage se nourrissant d'une carcasse de takin