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Accès rapide aux chapitres de la page :

         Pourquoi le panda géant s'est-il tourné vers ce régime particulier ?

         Des espèces de bambous variables selon l'aire de répartition...

         ...et des parties et des quantités de bambous différentes selon les saisons

         Une activité chronophage...

         ...et peu nutritive

         99% de bambous et 1% de...

         Et en captivité ?

         La floraison des bambous : une menace pour le grand panda ?

         Quelles adaptations à ce régime si particulier ?

                    Dentition et crâne

                    Système digestif

                    Le pseudo-pouce du panda 

 

Le panda géant appartient à l'ordre des carnivores mais au cours de l'évolution il s'est tourné vers un régime alimentaire herbivore, quasi exclusivement composé de bambous ce qui lui vaut le surnom d' « ours des bambous » par les populations locales. Il en consomme toutes les parties mais avec des préférences saisonnières. Selon l'aire de répartition, les espèces présentes et donc consommées diffèrent également. Même s'il n'est pas complètement adapté à ce régime spécifique, il en survit notamment grâce à des adaptations morphologiques, comportementales / écologiques et physiologiques acquises au fil de son évolution.

 

 

Pourquoi le panda géant s'est-il tourné vers ce régime particulier ?

Comme détaillé dans le chapitre « Ancêtres et histoire », les fossiles d'Ailurarctos, le plus ancien ancêtre connu du panda géant qui vivait il y a 8 millions d’années environ (fin du Miocène), ont révélé qu’il vivait près des marais et ne se nourrissait pas entièrement de bambous.

Une branche d’Ailurarctos a évolué en Ailuropoda microta, une forme plus petite du grand panda actuel, mais un peu plus grande qu'Ailuractos, qui occupait de larges aires dans le sud-ouest, le sud, le centre et le nord-ouest de la Chine. Cette expansion de la population il y a environ 3 millions d’années lorsqu'A. microta émerge coïncide avec le changement alimentaire vers le bambou.

L’étude des fossiles a montré qu'Ailuractos lufengensis vivait dans des marais manquants de bambous tandis qu'A. microta se nourrissait principalement de bambous en témoignent des adaptations du crâne et de la dentition. A l’époque d'A. microta, le climat était chaud et humide, favorisant ainsi la propagation des forêts de bambous.

C’est seulement parce que le grand panda s’est retiré dans un environnement écologique unique dans la dernière phase de son évolution qu’il a commencé à se nourrir principalement de bambous, abondants, facilement accessibles et disponibles toute l'année, et ce choix permet également d'éviter des compétiteurs alimentaires.

Ces éléments fournissent une explication écologique à cette transition d'un régime sans doute carnivore à un régime de plus en plus spécialisé avec des bambous qui occupent une part de plus en plus importante de son régime alimentaire. Mais que disent les gènes ?

En décembre 2009, les scientifiques chinois ont annoncé avoir séquencé le génome du panda géant. Vont s'en suivre des études plus spécifiques notamment pour comprendre via les gènes le mécanisme de l'évolution du régime alimentaire du panda géant.

Les scientifiques ont notamment découvert que le grand panda avait perdu sa capacité gustative nécessaire pour apprécier la viande. Chez les mammifères, cinq saveurs fondamentales permettent d'identifier les aliments et leur valeur nutritive : le sucré, le salé, l'acide, l'amer et l'umami (d'un terme japonais signifiant délicieux). Cette dernière saveur est produite par le contact des récepteurs des papilles gustatives avec l'ion carboxyle de l'acide glutamique (glutamate), un acide aminé qui caractérise les aliments riches en protéines, tels la viande ou le fromage. Or, chez le grand panda, l'un des trois types de récepteurs à l'acide glutamique, T1R1, n'est pas fonctionnel en raison de mutations du gène correspondant. Ainsi, la perception de l'umami ne serait pas fonctionnelle chez le grand panda à cause d'une mutation génétique ce qui expliquerait au moins en partie que cet ursidé ne soit pas vraiment carnivore alors qu'il possède toutes les enzymes pour cela. Selon cette hypothèse, il serait donc devenu herbivore par défaut.

Mais cette hypothèse n'est pas si évidente. En effet, la date de mutation estimée pour ce gène est il y a environ 4,2 millions d'années. Or la transition de régime a été progressive et non instantanée. Elle aurait commencé il y a au moins 7 millions d'années (car l'on sait qu'Ailurarctos se nourrissait au moins en partie de bambous, en témoignent d'ailleurs des dents fossiles) pour se terminer il y a 2 à 2,4 millions d'années (les fossiles découverts à cette période sont très similaires à ceux du panda géant actuel, suggérant que la transition était achevée à cette période). Ainsi, plusieurs auteurs font l'hypothèse que la pseudogénisation de T1R1 serait probablement le résultat, et non la cause, du changement de régime alimentaire.

Ces mêmes auteurs ont démontré que le système métabolique de la dopamine est probablement déficient chez le panda géant, ce qui influencerait le système de récompense lié à l'alimentation (la dopamine agissant positivement sur le cerveau, notamment responsable des phénomènes d'addiction ; la dopamine joue donc un rôle important dans les comportements alimentaires). Les auteurs font l'hypothèse que certains ingrédients du bambou pourraient aider / compenser le métabolisme des catécholamines, notamment celui de la dopamine ; ce qui stimulerait ainsi le circuit de récompense lié à l'alimentation. Ainsi,  les auteurs font l'hypothèse que les pandas se seraient tournés vers les bambous pour compenser cette déficience du système métabolique de la dopamine ; les bambous favorisant le métabolisme de la dopamine et donc stimulant le circuit de récompense du cerveau lié à l'alimentation. Des analyses sur les composants chimiques du bambou et leurs effets sur le système nerveux devraient permettre d'en savoir plus.

A ce jour, plusieurs hypothèses sont donc avancées pour expliquer au moins en partie le choix alimentaire inédit du panda géant, mais aucune d'entre elles ne permet d'affirmer qu'elle est la cause de cette transition alimentaire.

Ainsi, à ce jour, les scientifiques ne savent pas pourquoi le panda a initialement changé son régime alimentaire.

 

Pour en savoir plus :

        > 21 décembre 2009 : Le régime alimentaire si caractéristique du panda géant expliqué par les gènes

        > 14 décembre 2009 : Les scientifiques ont dressé la carte détaillée du génome du panda

        > Ancêtres et histoire du panda géant

        > Répartition, habitat, territoire et domaine vital du panda géant

 

 

Des espèces de bambous variables selon l'aire de répartition...

Les caractéristiques physiques du panda, la taille de son corps, sa relative absence d'agilité pour capturer des proies, la faible abondance de carcasses, l'abondance du bambou et son cycle particulier sont autant d'éléments qui expliquent au moins en partie que le panda se soit tourné vers le bambou comme source principale de nourriture.

Selon les aires de distribution, les pandas se nourrissent d'espèces de bambous différentes. Les scientifiques estiment qu'environ 35 espèces de bambous sont consommées par les pandas sauvages, toutes aires confondues, dont 17 constituent l'alimentation principale d'au moins une sous-population pendant au moins une partie de l'année.

Dans les monts Qinling, les pandas se nourrissent majoritairement des genres Bashania et Fargesia ; avec quelques rares observations de pandas se nourrissant de Phyllostachys nigra (une espèce artificiellement introduite). Les forêts de Fargesia constituent l'habitat d'été des pandas, compris entre 2 000 et 2 900 mètres d'altitude, qu'ils rejoignent à la fin du printemps ou au début de l'été. Vers la fin de l'été ou au début de l'automne, les pandas de Qinling descendant à des altitudes comprises entre 1 350 et 2 000 mètres dans des forêts de Bashania fargesii.

Dans la réserve naturelle de Wolong (monts Qionglai), Schaller et al. ont documenté que les pandas passaient la plus grande partie de leur temps dans les forêts de Sinarundinaria fangiana à 2 600 - 3 200 mètres d'altitude, avec seulement quelques descentes à 1 600 - 2 300 mètres pour se nourrir des nouvelles pousses fraîches de Fargesia robusta pendant un mois durant le printemps, avant de retourner dans les bosquets de Sinarundinaria fangiana.

Dans la réserve naturelle de Wanglang (monts Minshan), les pandas se nourrissent principalement de l'espèce Fargesia denudata.

D'une façon générale, les espèces de bambous les plus consommées se répartissent ainsi selon les six grands monts habités par les derniers pandas sauvages :

   - monts Qinling : Bashania fargesiiFargesia dracocephala et Fargesia qinlingensis.

   - monts Minshan : Fargesia denudata, Fargesia nitidaFargesia obliquaFargesia rufa. En moindre importance : Bashania faberiFargesia angustissimaFargesia scabridaYushannia brevipaniculata.

   - monts Qionglai : Bashania faberiFargesia robustaYushannia brevipaniculata. En moindre importance : Chimonobambusa neopurpureaChimonobambusa szechuanesisFargesia nitidaQiongzhuea opienensisYushannia tineloata.

   - monts Daxiangling : Chimonobambusa szechuanesisYushannia brevipaniculata. En moindre importance : Bashania faberi, Yushannia tineloata.

   - monts Xiaoxiangling : Bashania spanostachyaYushannia cavai, Yushannia tineloata. En moindre importance : Fargesia dulciculaFargesia feraxYushannia brevipaniculata, Yushannia maculata, Yushannia violascens.

   - monts Liangshan : Qiongzhuea macrophyllaYushannia ailuropodinaYushannia brevipaniculata, Yushannia tineloata. En moindre importance : Bashania faberiQiongzhuea tumidinodaYushannia dafengdingensisYushannia glaucaYushannia mabianensisYushannia maculata.

De nombreuses autres espèces animales qui partagent le territoire du panda géant se nourrissent également de bambou. Citons par exemple le rat des bambous, le petit panda, le takin, l'ours noir, le sanglier sauvage ou encore le porc-épic. Les bambous sont cependant en quantité largement suffisantes pour nourrir les espèces qui en dépendent.

 

Lan Xiang se nourrit de feuilles qu'il saisit par paquets avant de les porter à sa bouche
Zoo de Chongqing - 8 mai 2013 - © Jérôme POUILLE

 

Pour en savoir plus : Répartition, habitat, territoire et domaine vital du panda géant

 

 

...et des parties et des quantités de bambous différentes selon les saisons

Dans la nature, les pandas sauvages sélectionnent les espèces de bambous les plus nutritives dans une région donnée. Il en consomme toutes les parties avec des préférences saisonnières. Cette sélection est un des deux facteurs, en plus de la température, qui influencent les migrations saisonnières. L'appétence des bambous guide les pandas dans leurs déplacements.

Prenons l'exemple des pandas des monts Qingling, que Pan Wenshi a étudié pendant plus de 15 années. En janvier et février, les pandas se nourrissent presque exclusivement de feuilles de Bashania. En mars et avril, ils commencent à ajouter des tiges / chaumes de Bashania à leur régime et début avril ils ajoutent les nouvelles pousses de Bashania. La fréquence de consommation des nouvelles pousses de Bashania atteint son apogée en mai et décline en juin en même temps que la fréquence des nouvelles pousses de Fargesia augmente soudainement. En juillet et août, les pandas se nourrissent uniquement de pousses de Fargesia, à la fois les fraîches de l'année et celles de l'année précédente. De septembre à février, ils se nourrissent presque exclusivement de feuilles de Bashania avec seulement quelques individus se nourrissant occasionnellement de vieilles chaumes de Bashania ou de vieilles pousses de Fargesia. Les subadultes qui se nourrissent de feuilles et de tiges de Bashania en consomment 18 kilos par jour (+/-4,3 kg/jour) tandis que les individus plus vieux en consomment 13,7+/-2,1 kg/j. Les adultes qui se nourrissent des nouvelles pousses de Bashania en mangent 41,7+/-5,6 kg/j.

Dans le cas des pandas sauvages à Wolong, ils sont sélectifs quand ils mangent les bambous Sinarundinaria : de novembre à mars, ils consomment principalement les feuilles et les jeunes tiges ; d’avril à juin principalement les vieilles tiges ; et de juillet à octobre presque exclusivement les feuilles. Lorsqu'ils se nourrissent des feuilles et des tiges, les adultes en mangent de 10 à 18 kilos par jour (avec une moyenne de 12,5 kg/j) ; lorsqu'ils se nourrissent des nouvelles pousses de Fargesia, ils en consomment environ 38 kilos par jour, soit 45% environ de leur poids corporel.

 

Au printemps, les pandas se régalent des nouvelles pousses de bambous fraîchement sorties de terre
Yalaoer au zoo de Chongqing - 8 mai 2013 - © Jérôme POUILLE

 

Les tiges figurent également au menu, les pandas décortiquent l'enveloppe qui est la partie la plus dure
pour se nourrir de la partie intérieure plus tendre et plus appétissante. Sur cette photo, on voit clairement
l'excroissance osseuse qui fait office de sixième doigt et qui sert à Shu Qing pour saisir fermement la tige
et la porter à sa bouche. Ne pas confondre cette excroissance osseuse avec le coussinet, plus gros et
également visible sur cette photo, mais dont on voit qu'il ne sert pas à la manipulation de la tige.
Chengdu research base of giant panda breeding - 21 mars 2015 - © Jérôme POUILLE

 

 

Une activité chronophage...

Les pandas digèrent mal le bambou qui passe rapidement dans leur intestin. Ainsi, ils doivent manger fréquemment pour maintenir leur tube digestif plein.

A Wolong, Schaller et al. avaient conclu que les pandas passaient au moins 55% de leur temps à se nourrir et 41% de leur temps à se reposer.

A Qinling, les pandas sont actifs 49% du temps (dont 13% du temps à chercher la nourriture et 36% du temps à manger).

Sachant qu'en général les feuilles de bambou ont six fois la valeur nutritionnelle des tiges, et les pousses deux fois celle des tiges ; les pandas de Qinling passent 10 mois par an à manger les feuilles de bambous très nutritives et seulement 2 mois à manger les pousses et mangent peu de tiges. Au contraire, ceux de Wolong mangent les feuilles pendant 6 mois, les pousses pendant 1 mois et les tiges pendant 5 mois. Ces différences suggèrent que les pandas de Wolong ont besoin de se nourrir plus longtemps par jour pour avoir assez d'énergie que les pandas de Qinling.

Les pandas de Qinling ont un seul pic journalier en étant plus actifs entre 13h et 17h ; ceux de Wolong en connaissent deux en étant très actifs entre 4h et 6h le matin et entre 16h et 19h le soir. Les pandas de Qinling peuvent obtenir une nutrition suffisante à partir des feuilles et pousses qu'ils consomment en fin d'après-midi pour se passer du besoin de manger de nouveau rapidement et peuvent donc passer la plupart de leurs heures matinales à se reposer, contrairement aux pandas de Wolong.

Le comportement alimentaire tend à se stabiliser avec l'âge et l'animal devient plus adroit et plus rapide dans sa prise de nourriture lorsqu'il gagne de l'expérience et devient mature. Cette progression dans la stabilité, l'agilité, la rapidité des mouvements lors de la nutrition s'accompagne du développement des dents et d'autres organes du système digestif, de l'augmentation de la force, de l'amélioration des fonctions physiologiques, et l'accumulation de l'expérience alimentaire. En vieillissant, avec l'usure des dents et le déclin d'autres fonctions physiologiques, le comportement alimentaire expérimenté se détériore.

Les sens de l'odorat et de la vue jouent un rôle important durant la nutrition ; notamment dans le choix d'un nouveau secteur de nourrissage. Enfin, le goût intervient aussi.

 

Lorsqu'ils mangent, les pandas s'assoient sur leur arrière-train et s'appuient souvent le dos courbé
contre un rocher ou le tronc d'un arbre voire même 
se placent en position semi-couchée ;
ces positions leur permettent de dépenser le moins d'énergie possible.

Yuan Zi au zooparc de Beauval (France) - 20 septembre 2013 - © Jérôme POUILLE

 

 

...et peu nutritive

Grâce à des analyses chimiques des fèces, Pan Wenshi et son équipe ont conclu que les pandas pouvaient digérer 91% des protéines brutes, 15,2 à 18,1% de l'hémicellulose, et 0,48 à 10,95% de la cellulose du bambou.

A Wolong, Schaller avait conclu que la digestibilité de la matière sèche variait en fonction des saisons, allant de 12 à 23% avec une moyenne de 17%.

Ces valeurs sont exceptionnellement faibles.

Selon Pan Wenshi, le besoin quotidien en énergie d'un panda adulte en bonne santé est de 14 000 à 17 000 kJ (3 350 à 4 060 kcal). En comparaison, les auteurs estiment l'acquisition quotidienne d'énergie à environ 26 762 kJ (6 400 kcal) (toujours pour un adulte normal). L’acquisition quotidienne en énergie est donc supérieure aux besoins si bien que même si la valeur nutritionnelle du bambou est faible, les adaptations comportementales et fonctionnelles du panda lui permettent d’acquérir l’énergie nécessaire pour maintenir une activité normale. Pan Wenshi et al. estiment que les pandas retirent 27,4% de leur énergie acquise à partir de l’hémicellulose, 41,2% à partir des protéines, 28,8% à partir des carbohydrates et des lipides et 5,1% à partir d’autres composants.

Schaller, en ce qui concerne les pandas de Wolong, donnait des résultats similaires : les dépenses sont estimées à au moins 3 500 - 4 000 kcal / jour (14 650 - 16 730 kJ) et les apports à 4 300 - 5 500 kcal / jour (18 000 - 23 000 kJ).

Avec un régime faible en nutriments, un panda ne peut pas manger assez pour accumuler de grosses provisions de gras, en contraste avec l’ours, lequel a une nourriture si riche qu’il peut stocker l’énergie suffisante pour survivre quelques mois en hivernation. Ce faible apport nutritif qui empêche la constitution de réserves de graisse explique donc que le panda n'hiverne pas. Rappelons que le panda géant, tout comme l'ours malais, n'hiverne pas, ce qui les différencie des six autres espèces d'ours actuels.

Pour conserver l’énergie, un panda doit utiliser les activités coûteuses en énergie avec modération. Il préfère, par exemple, voyager sur un terrain modéré plutôt qu’à travers des pentes raides, et il utilise l’odorat pour communiquer plutôt que de s’impliquer dans des interactions sociales directes.

Avec tout ce qu'il ingurgite, le panda doit éliminer énormément. Comme il ne digère qu'environ 17% de ce qu'il manque et que son tube digestif est court, le bol alimentaire séjourne peu de temps dans son estomac. Les parties non digérées sont éliminées entre cinq et quatorze heures après l'ingestion. Un adulte produit environ une centaine de crottes par jour pour un total de 20,5 kilos environ. Les crottes sont facilement identifiables et sont un outil précieux pour les scientifiques pour étudier cette espèce qu'il est si difficile d'apercevoir dans son milieu naturel.

 

Crotte fraîche (quelques jours) d'un panda sauvage, sur la seconde photo on distingue nettement les feuilles et
les fragments de bambous peu digérés - Réserve naturelle de Fengtongzhai - 1er avril 2015 - © Jérôme POUILLE

 

 

99% de bambous et 1% de...

Comme détaillé ci-dessus, les pandas géants sauvages se nourrissent quasi exclusivement de bambous mais en fonction des opportunités, ils peuvent compléter leur repas de baies, d’œufs d'oiseaux, ou encore de charognes. Il existe même des exemples de pandas entrant dans des villages à la recherche de viande.

Schaller, qui a été le premier occidental à étudier les pandas sauvages en Chine, d'abord à Wolong puis à Wanglang, a rapporté quelques cas de restes d'animaux (cerf porte-musc, rhinopithèque de Roxellane, rongeurs) dans des crottes trouvées lors de ses recherches in situ.

Pan Wenshi, qui a étudié pendant plus de 15 ans les pandas sauvages dans les monts Qinling, a eu l'occasion d'observer plusieurs pandas se nourrissant de viande ou rongeant des os de charogne. Il relate 11 cas :

   - des restes de poulet domestique et de la peau de cochon domestique ont été retrouvés dans des fèces laissés par la femelle Dan Dan à Foping en mars 1985,

   - des poils et des ongles de sabot d'un cerf porte-musc des forêts (Moschus berezovskii) ont été retrouvés dans des fèces à Tudigou en mars 1987 et appartenant à la femelle Jiao Jiao,

   - la femelle Shui Lan en train de se nourrir d'une carcasse de takin à Shuidonggou en février 1989,

   - le mâle Hu Zi se nourrissant d'os et de viande d'origine inconnue à Shuidonggou en décembre 1990,

   - la femelle Nüxia se nourrissant de poulet domestique à Liaojiagou en juillet 1991,

   - un mâle se nourrissant de viande d'origine inconnue à Shuidonggou en octobre 1991,

   - la femelle Jiao Jiao se nourrissant de poulet domestique à Shuidonggou en 1992-1993,

   - la femelle Xi Wang (Hope) rongeant des os d'origine inconnue à Shuidonggou en février 1993,

   - un individu rongeant des os d'élaphode (un cervidé) (Elaphodus caphalophus) à Shuidonggou en mars 1994,

   - la femelle Jiao Jiao se nourrissant de peau, de côtes et d'un fémur d'une sous-espèce chinoise de sanglier (Sus scrofa moupinensis) à Shanshuping en octobre 1994,

   - la femelle Xi Wang (Hope) se nourrissant d'os de porc domestique en juillet 1997. 

De telles observations ne se limitent pas aux monts Qinling. 

Le 4 février 2010, une habitante du village de Dongsheng dans le comté de Baoxing (monts Qionglai, province du Sichuan), avait surpris un panda géant dans sa porcherie en train de se nourrir d'os de porcs domestiques.

Les 8 et 9 novembre 2011, un appareil photo à déclenchement infrarouge installé dans la périphérie de la réserve naturelle de Wanglang dans le comté de Pingwu (province du Sichuan) avait pris 600 clichés d'un panda sauvage se nourrissant d'un cadavre de takin.

Le 9 février 2013, un panda sauvage avait mangé un agneau dans une bergerie du village de Jianlian dans le comté de Baoxing (monts Qionglai, province du Sichuan) à proximité de la réserve naturelle nationale de Fengtongzhai.

Le 11 novembre 2014, Liang Qihui et ses collègues, de la réserve naturelle de Foping (province du Shaanxi, monts Qinling), ont observé un panda sauvage mordillant un gros os. La scène a duré une vingtaine de minutes et les scientifiques ont identifié qu'il s'agissait d'un fémur de takin, mort naturellement.

Pan Wenshi et son équipe avait noté que les observations de pandas se nourrissant de charognes ou de viande concernaient souvent des femelles enceintes ou nourrissant leurs progénitures. Ils émettent l'hypothèse que ces comportements sont en réponse d'un besoin de certains nutriments, notamment des vitamines et des acides aminés.

Après l'observation du 11 novembre 2014, les scientifiques de la réserve de Foping ont émis l'hypothèse que ce comportement pourrait être un moyen d'augmenter les apports en calcium, notamment pour les pandas âgés à la structure osseuse fragilisée.

Les pandas sauvages ne se refusent donc pas l'aubaine d'une carcasse. Pan Wenshi a également recensé 25 espèces de plantes qui pouvaient occasionnellement être mangées par les pandas.

Des observations de pandas ingérant de la vase, de la terre ou du sable existent également. Les scientifiques émettent plusieurs hypothèses sur les fonctions d'un tel comportement : satisfaire des besoins en oligo-éléments, pour la chélation des ions métalliques et des métabolites végétaux secondaires et ainsi empêcher leur absorption, pour l'apport de certains minéraux, ou encore pour faciliter la digestion. Autre hypothèse, en parallèle de ce qui a été observé chez les gorilles de montagne, qui se nourrissent également de bambous, la terre ainsi ingérée permettrait de limiter la diarrhée causée par les pousses de bambous.

 

Quelques prises de vue rares qui montrent un panda se nourrissant d'une carcasse d'un ongulé

 

Pendant plus de 20 minutes le 11 novembre 2014, les scientifiques de la réserve de
Foping ont pu observer ce panda ronger un os de takin - © Foping Nature Reserve

 

Pour en savoir plus :

        > Scène rarement observée d'un panda sauvage se nourrissant d'une carcasse de takin dans la réserve naturelle de Foping (17 novembre 2014)

        > 4 mars 2013 : Deux pandas sauvages aperçus près de villages, des témoignages du défi de la présence de l'homme dans l'habitat du panda

        > 3 janvier 2012 : Observation rare d'un grand panda sauvage se nourrissant d'une carcasse de takin

        > 8 février 2010 : Deux pandas sauvages rencontrés, un dans les Monts Qionglai, l'autre dans les Monts Liangshan

 

 

Et en captivité ?

En captivité, les pandas reçoivent du bambou à volonté ou presque. Pour imiter ce qui se passe dans le milieu naturel, les types et parties de bambous offerts diffèrent selon la période de l'année, mais aussi parfois selon les goûts de chaque individu.

Les espèces fournies sont soit des espèces locales si elles sont acceptées par les pandas, soit des espèces importées. En Chine, elles proviennent la plupart du temps des montagnes alentours, à l'étranger elles proviennent généralement de bambouseraies horticoles.

Les besoins sont énormes puisque les pandas se voient généralement offrir le double de ce qu'ils consomment. Puisque les bambous sont déjà coupés, ceux qui sont tardivement distribués ou qui restent trop dans un enclos sont délaissés et de nouveaux bambous frais doivent être offerts. La gestion des bambous est donc généralement un défi pour les zoos.

Cependant, à cause du nombre limité d'espèces de bambous fournies en captivité, de même que leur qualité nutritive inférieure, il est nécessaire de compléter l'alimentation des pandas captifs pour combler le déficit nutritif. La nourriture concentrée à base de céréales distribuée en captivité en complément du bambou ne doit cependant pas représenter plus de 10% de l'alimentation, idéalement 5%.

Par exemple, à la base de recherches de Chengdu sur l'élevage du panda géant (Chengdu research base of giant panda breeding), les pandas reçoivent au quotidien un gâteau spécialement préparé pour eux. Ce gâteau est composé de riz, d'huile végétale, de farine de blé, de maïs, de soja, de flocons d'avoine, d'eau, de phosphate de calcium (CaHPO4), de carbonate de calcium (CaCO3) ; mais aussi de vitamines. Ils en raffolent.

 

Pour en savoir plus : Le panda en captivité

 

 

La floraison des bambous : une menace pour le grand panda ?

A intervalle régulier, une espèce de bambou donnée fleurit puis meurt et ce sur de grands espaces géographiques. Pendant longtemps, on pensait que ce phénomène naturel était une des causes d'extinction de l'espèce. Dans les années 1980, de nombreux pandas ont ainsi été capturés « abusivement » sous prétexte d'être sauvés d'une famine certaine. Mais qu'en est-il réellement ?

Le bambou est une plante vivace qui fait partie de la famille des graminées comme le blé ou le maïs. Il peut pousser partout si bien que l'on peut le retrouver dans des régions du globe très différentes. Il en existe de nombreuses espèces mais c'est en Asie du sud-est qu'ils sont les plus abondants.

Un massif de bambous met plusieurs dizaines d’années pour se développer. Ce développement nécessite de l’ombre apportée par des arbres âgés. Les bambous s’épaississent en lançant sous terre des tiges ou rhizomes qui émettent eux-mêmes des pousses. Mais, comme c’est le cas pour toutes les plantes à fleurs, la dissémination des bambous et la préservation de leur diversité génétique ne se fait que par l’intermédiaire de graines. Or ces graminées ont la caractéristique inhabituelle de ne fleurir que très rarement, une fois tous les 10 ans ou même tous les 100 ans suivant les espèces. Cette floraison est suivie de la mort immédiate de la plante. De jeunes sapins et autres arbres vont alors coloniser les espaces laissés ainsi vides. Plus tard, ces arbres fourniront l’ombre dont les bambous ont besoin pour pousser.

Dans des conditions d'habitat intact, non dégradé et non fragmenté, la floraison et la mort des bambous ne sont pas une menace en soi pour les pandas. Ils peuvent se tourner vers d'autres espèces présentes sur leur territoire ou alors migrer vers des secteurs non affectés (soit plus haut en altitude, soit à une latitude différente). Ces migrations « forcées » notamment en latitude concouraient même à favoriser les échanges génétiques entre populations distinctes géographiquement.

Aujourd'hui, la réduction de l'habitat mais pire sa fragmentation rendent plus difficiles, voire impossibles, ces migrations pour trouver des sources alternatives de nourriture. Cela est particulièrement problématique dans les poches d'habitat où ne pousse qu'une seule espèce de bambous. Certains pandas peuvent alors mourir de faim.

Dans les années 80, deux lieux où vivent des pandas sauvages ont connu des épisodes de floraison en masse, suivi de la mort, des bambous :

   - 1974 à 1976 : mort de 3 espèces de bambous en même temps (dont Fargesia spathacea) dans les monts Minshan (nord Sichuan + Gansu + réserve de Wanglang) : cette floraison simultanée a entraîné la mort d’au moins 138 pandas (ce chiffre semble maintenant être admis par la plupart des spécialistes).

   - Au printemps 1983, alors que Schaller inspectait plusieurs habitats du panda, il remarque que dans le comté de Baoxing le bambou flèche commençait à fleurir ; même chose à Wolong lorsqu'il y retourne. Trois quarts des bambous flèches étaient morts mais les zones non touchées semblaient suffisantes pour les pandas pour plusieurs mois. Heureusement, les bambous parapluies qui poussaient aux altitudes plus faibles n'étaient pas touchés. Dans le comté de Baoxing, quelques pandas sont morts de faim et d'autres affaiblis ont été placés temporairement en captivité puis ont été relâchés, malheureusement sans collier radio-émetteur qui aurait pu permettre de connaître le devenir de ces pandas. En juin 1984, Schaller et Hu Jinchu reçoivent la permission d'effectuer une mission d'une semaine sur le terrain pour évaluer l'impact de la floraison des bambous dans les secteurs les plus touchés. Ils en concluent que la floraison de 1983 n'a pas été majeure dans le comté de Pingwu. Ken Johnson qui a exploré intensivement ces mêmes secteurs en 1986 est arrivé à la même conclusion à savoir que la régénération des bambous était excellente et qu'elle devrait fournir la base pour une extension des populations de pandas dans le futur. Malheureusement, de trop nombreux pandas ont été capturés en prévention d'une famine supposée, à tort.

Fin 1984, les autorités chinoises reconnaissent avoir surestimée la famine. Les activités de l'homme ont un impact bien plus important sur l'habitat du panda et surtout les quelques pandas affamés sont une conséquence des menaces qui pèsent sur l'habitat, et non une conséquence du cycle naturel du bambou.

Et si une floraison massive suivie d'une mort des bambous avait entraîné l'extinction des pandas dans les monts Shennongjia ? Pendant des milliers d'années, des pandas géants habitaient les monts Shennongjia dans la province chinoise du Hubei mais à la fin du 19ème siècle, ils ont disparu de ce secteur géographique. Dans une étude publiée en 2003, les chercheurs Zhaohua Li et Manfred Denich ont démontré que les pandas de Shennongjia se nourrissaient préférentiellement de trois espèces de bambous (Fargesia spathacea, F. murielae, Yushania confusa) et en quantité suffisante pour nourrir de 193 à 223 pandas. Cependant, entre 1879 et 1888, ces trois espèces ont fleuri et sont mortes simultanément. Or, Shennongjia ayant été séparé des autres habitats du panda par des zones agricoles densément peuplées, les pandas affamés n'ont pas pu migrer vers des habitats intacts capables de leur fournir des espèces de bambous alternatives. C'est donc bien indirectement la fragmentation du territoire qui a entraîné l'extinction des pandas à Shennongjia.

 

Pour en savoir plus : Menaces qui pèsent les derniers pandas géants sauvages et leur habitat et mesures de protection

 

 

Quelles adaptations à ce régime si particulier ?

Comme décrit précédemment, le grand panda est un spécialiste du bambou et il a choisi cette ressource alimentaire à cause de sa disponibilité constante, il a ainsi fait le choix de la sécurité sur l'incertitude.

Comme déjà détaillé, d'un point de vue écologique et comportemental, le panda s'est adapté en sélectionnant les espèces de bambous et les parties de la plante les plus nutritives en fonction de la période de l'année, en en ingérant de grosses quantités pour maximiser la prise énergétique, et en se déplaçant peu et en sélectionnant un habitat avec des pentes douces pour minimiser les dépenses d'énergie.

En sus de ces adaptations écologiques et comportementales, qu'en est-il des adaptations physiologiques et morphologiques ?

Nous l'avons vu, son système digestif plus proche de celui des carnivores semble peu adapté au bambou, mais de nombreuses questions demeurent sur la composition de sa flore microbienne. Enfin, plusieurs adaptations morphologiques signent le lien entre pandas et bambous ; le sixième doigt étant la plus caractéristique.

 

Dentition et crâne :

Au cours de son évolution, le panda géant a développé une dentition adaptée pour le broyage des bambous.

Ses canines pointues servent à couper les tiges ligneuses. Ses pré-molaires, grosses et garnies de nombreuses cuspides, agissent comme des molaires et contribuent au broyage des fibres végétales. Ses molaires sont larges et aplaties : elles jouent le rôle de dents broyeuses. Il ne présente pas de dent carnassière typique des carnivores.

La surface de broyage est complexe et les racines dentaires profondes sont adaptées pour le broyage du bambou. Les mâchoires du panda comportent donc une denture qui ressemble plus à celle d'un herbivore qu'à des dents d'ours. 

Le grand panda possède 42 dents et sa formule dentaire est la suivante : incisives 3/3, canines 1/1, prémolaires 4/4, molaires 2/3 ; avec PM1 dégénérées dans les deux mâchoires et quelquefois absentes de la mâchoire supérieure : 

I 3/3 + C 1/1 + PM 4/4 + M 2/3

 

  

Parallèlement, la tête du panda est exceptionnellement large ce qui donne une grande puissance aux muscles de la mastication. Ces muscles puissants, qui articulent les mâchoires, sont attachés à une crête sagittale en saillie. En effet, la modification de la musculature masticatoire a profondément modelé le crâne du panda : la crête sagittale (sommet du crâne) et l'arc zygomatique (articulation des mâchoires) sont proéminents et donnent au panda la puissance nécessaire pour la mastication des bambous fibreux et hautement lignifiés.

Cette proéminence osseuse en forme de lame sur le dessus du crâne qu'est la crête sagittale se développe avec l'âge.

 

     

Le crâne du panda s'est adapté : très large, son sommet est en forme de crête (flèche rouge) pour
permettre l'attachement des muscles masticatoires. Les arcs zygomatiques (flèches jaunes) qui
permettent l'articulation de la mâchoire sont très développés.

 

Grâce à ses puissantes mâchoires, Yi Bao est capable de casser et d'ingérer des tiges de bambous très dures
Base de Bifengxia - 24 mars 2015 - © Jérôme POUILLE

 

Les molaires larges et applaties permettent à Wu Gang de broyer efficacement le bambou
Base de Bifengxia - 30 juin 2013 - © Jérôme POUILLE

 

Zoom sur la dentition de la femelle Wen Hui, âgée de deux ans sur cette photo - © 小兔纸月儿

 

Système digestif :

Le panda est un animal carnivore au régime essentiellement herbivore et son tube digestif n'est pas bien adapté à un régime herbivore aussi strict. Comme détaillé précédemment, il n'assimile pas bien le bambou, digérant environ 17% de la nourriture qu'il ingère, au lieu de 80% comme un herbivore. 

Son système digestif a malgré tout connu quelques adaptations. Des glandes muqueuses tapissent le tube digestif et les membranes muqueuses de sa bouche et sa langue. Les sécrétions de ces glandes muqueuses évitent les blessures du système digestif par le bambou et fonctionnent comme un lubrifiant pour faciliter le passage des tiges, des feuilles et des pousses rugueuses de bambous. De plus, du mucus lie ensemble les morceaux de bambous non digérés et excrétés sous forme de fèces. Les fèces fraîches sont d’ailleurs enrobées de mucus. Seule la structure de l’intestin grêle du panda digère et absorbe efficacement le bambou.

L'intestin du panda est court, il ne mesure pas plus de six fois la longueur de son corps, comme la plupart des carnivores. Les herbivores présentent un tube digestif jusqu'à 25 fois la longueur du corps, ce qui permet de mieux recueillir les éléments nutritifs d'aliments beaucoup moins nourrissants, à poids égal, que la viande. L'estomac du panda est peu complexe et ne comporte qu'une seule poche, contrairement à l'estomac de la plupart des herbivores qui en comporte plusieurs.

Grâce à l'analyse du processus de digestion des pandas se nourrissant principalement de pousses de Fargesia, Pan Wenshi et ses collègues ont déterminé que les pandas digéraient et absorbaient environ 90% du contenu cellulaire du parenchyme mais seulement qu'une faible portion de la membrane cellulaire (hémicellulose et cellulose).

En 2009, une équipe composée de plus de 100 scientifiques chinois et étrangers a achevé une carte détaillée du génome du grand panda. Leur étude confirmait que le génome du grand panda possède tous les gènes nécessaires pour digérer la viande, alors qu'il lui en manque pour absorber le bambou. Cette absence de gène capable de produire l'enzyme permettant la digestion de la cellulose suscitait alors l'interrogation des chercheurs qui se demandaient comment les pandas pouvaient digérer le bambou en l'absence de ce précieux composé. Certains spécialistes avaient alors émis l'idée que les intestins des grands pandas pouvaient contenir une bactérie capable de dégrader la cellulose. Mais les essais entrepris pour identifier ce micro-organisme avaient tous échoué... du moins jusqu'ici, car une nouvelle étude publiée en 2011 s'est penchée sur la question et a fourni un début de réponse.

Pour cela, Fuwen Wei, un chercheur de l'Académie chinoise des sciences qui travaille à l'Institut de zoologie de Beijing en Chine, et ses collègues, ont analysé les excréments de sept pandas géants sauvages et de huit captifs. Ils ont ainsi découvert que les intestins des ursidés noir et blanc contenaient effectivement des bactéries similaires à celles présentes chez les herbivores. Ils ont étudié les séquences génétiques des ribosomes des bactéries retrouvées dans les fèces des pandas. Ils ont identifié 85 espèces de bactéries dont 14 n'avaient jamais été décrites auparavant. Ils ont étudié ensuite de façon plus approfondie les bactéries qui avaient un matériel génétique similaire à celui des bactéries typiques des herbivores afin de rechercher les gènes capables de digérer la cellulose dans ces bactéries. Les gènes en question ont été majoritairement trouvés dans le type de bactérie Clostridium, une bactérie connue pour dégrader la cellulose. Parmi les micro-organismes identifiés, treize espèces appartiennent à cette famille, dont sept se sont avérées être uniques aux pandas.

Pour l'instant, cette étude ne fait qu'identifier des bactéries capables de produire une enzyme dégradant la cellulose mais elle ne démontre pas que ces bactéries remplissent effectivement ce rôle dans le système digestif du panda. La présence de microbes, gènes ou enzymes ne signifie pas nécessairement qu'ils fonctionnent actuellement à l'endroit où ils ont été trouvés. Leur présence n'est pas forcément synonyme qu'ils contribuent effectivement à la digestion de la cellulose chez le panda géant. Des études complémentaires devront démontrer l'efficacité réelle de ces micro-organismes dans la digestion du panda.

Cependant, une étude plus récente (2015) vient contraster les données précédentes. Des scientifiques ont étudié les microbiontes de l’intestin au cours de trois saisons différentes chez 45 pandas captifs. Une grande variation existe entre les saisons et entre les individus dans la structure et la diversité de leurs microbiontes intestinaux. Cette étude montre que les microbiontes de l’intestin du panda ne sont pas bien adaptés au régime hautement fibreux de bambous. Par exemple, la plupart des membres du genre Clostridia retrouvés chez le panda sont absents chez les autres herbivores et non associés à la digestion de la cellulose. Cela est en contraste avec l’étude précédente de Fuwen Wei et al. qui avait identifié des bactéries cellulolytiques de type Clostridia potentiels et uniques dans l’intestin des pandas sauvages.

Il est donc clair que les données de composition microbienne intestinale seules ne peuvent pas résoudre la question de savoir si les microbes dans l’intestin du panda aident à la digestion de la cellulose et de l’hémicellulose et sont une adaptation au régime en bambous.

Le prochain défi est la découverte des preuves directes de la digestion de la cellulose et de l'hémicellulose par les microbes de l’intestin du panda. Le second est de savoir comment les microbes se développent au fil du temps. Le troisième est de documenter les fluctuations et les fonctions saisonnières des microbiontes et le lien avec la fourniture d’éléments nutritifs pour les pandas sauvages. Enfin, il pourrait être intéressant de voir s’il existe un lien entre ces microbiontes et les maladies chez le panda.

Ce qui est sûr c'est que le panda semble s'être spécialisé dans une source de nourriture riche en fibre végétale (sans réellement avoir modifié son système digestif) par sélectivité de la nourriture, par une mastication efficace, par l'ingestion de grandes quantités, par la digestion du contenu cellulaire plutôt que des parois cellulaires et par une excrétion rapide du contenu non digéré.

 

Pour en savoir plus : 21 novembre 2011 : Le grand panda possède des bactéries potentiellement capables de digérer en partie le bambou

 

Le pseudo-pouce du panda :

Pour attraper plus facilement les pousses de bambous, le panda possède à ses membres antérieurs une sorte de pouce opposable aux autres doigts : on appelle ce pouce le sixième doigt du panda. C'est sans aucun doute l'adaptation la plus caractéristique chez cette espèce. Il s'en sert pour saisir le bambou, l'éplucher (le décortiquer) et le porter à sa bouche.

Ce pseudo-pouce est constitué par un os du carpe : l’os sésamoïde radial. Il y a donc une modification du squelette de la main.

Pour s’alimenter, le panda tient serrés entre ses pattes antérieures les bambous, dont il effeuille les tiges en les passant entre son « pouce » et les 5 autres doigts. Les pousses de bambous sont ainsi maintenues dans le creux séparant les doigts du pseudo-pouce qui s’articule avec l’os pour lui procurer la force et avec les muscles pour l’habileté. Ce dispositif lui permet de manipuler la nourriture avec une grande dextérité.

Le panda roux, voisin du panda géant, et qui se nourrit également majoritairement de bambous, possède aussi un sixième doigt similaire aux pattes avant.

 

Sur cette photo, on comprend mieux comment Pan Pan se sert de cette excroissance osseuse en guise
de sixième doigt opposable aux cinq autres. Il convient de ne pas confondre le pseudo-pouce avec le
 coussinet, plus bas, et qui ne remplit pas de rôle pour la nutrition.
Pan Pan au Mount Emei Xianzhi Zhujian Ecological Park - 18 mai 2013 - © Jérôme POUILLE

 

Zoom sur la patte de Pan Pan et son pseudo-pouce (flèche jaune)

 

Main du grand panda avec le sixième doigt (sésamoïde du radius) que l'on aperçoit à gauche

  


Squelette d'une main de panda, le pseudo-pouce
est l'excroissance osseuse visible à gauche (flèche)

 

Dessins de Davis, 1864 :
A - Main de panda géant (membre antérieur)
B - Pied de panda géant (membre postérieur)

 

Nous visualisons bien sur cette photo les différences entre les pattes antérieures et les pattes postérieures.
Les pattes antérieures présentent un sixième doigt tandis que les pattes postérieures en sont dépourvues.

 

Les bébés pandas ont également ce pseudo-pouce à leurs pattes antérieures (1ère photo) tandis que leurs
pattes postérieures en sont dépourvues (2nde photo). Ne pas confondre, comme chez l'adulte, avec la
proéminence rose plus éloignée sur la patte qui formera le coussinet chez l'adulte - © Pandapia
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